Heureux celui qui peut connaître les causes des choses mais aussi a foulé aux pieds toutes les craintes, le des tin inexorable et le tumulte de l'avide Achéron (fleuve des enfers) ! Bienheureux aussi celui qui connaît les dieux champêtres Pan, le vieillard Sylvain et les soeurs nymphes ! Celui-là, ni les faisceaux du peuple, ni la pourpre des rois ne l'attirent et la discorde qui agite les frères déloyaux, ou le Dace de l'Istre conjuré-, il ne la connaît pas-, ni les royaumes destinés à périr et les affaires de l'Etat; et celui-là ne se plaint ni s'apitoie sur sa pauvreté ni n'envie le riche. Les fruits que portent les branches, que les champs bienveillants eux-mêmes produisent spontanément, il les cueille et ne voit ni les lois d'airain, le forum insensé, et les archives publiques du Peuple. D'autres remuent leurs rames sur les flots aveugles, se ruent sur l'épée ou pénètrent dans les cours et les palais des rois. Celui-ci aspire à la ruine de sa ville et de ses misérables Pénates, afin de boire dans une gemme et de dormir dans la pourpre de Tyr, celui-là enterre ses richesses et s'assoit sur son or enfoui, l'un est pris de stupeur, muet devant les Rostres, un autre contemple bouche bée les applaudissements, bien sûr redoublés, venant des gradins de la plèbe et des sénateurs. D'autres se réjouissent d'avoir été éclaboussés du sang de leurs frères et ils quittent leurs demeures et les seuils qui leur sont chers pour l'exil et cherchent une patrie sous d'autres cieux.
Proposition de commentaire.
Intro => replacer l'auteur, voir supra
=> ce poème didactique, composé à la fin des guerres civiles, en IV livres, fustige les désagréments de la vie urbaine, par opposition aux charmes de la vie champêtre, tout en conservant la complète maîtrise poétique.
I Le bonheur de la vie champêtre
1. Le registre lyrique
- nombreuses phrases exclamatives à valeur laudative "Felix qui ..."
- v 6 à 10 employé avec une tournure répétitive des négations à valeur de litote, ie celui qui ignore tout ce qui agite la vie urbaine
- le verbe "carpso" à mettre en relation avec l'expression "carpe diem", mis en valeur par sa position anté-coupe principale du vers. Noter que c'est l'un des seuls verbe d'action se rapportant aux paysans : il n'a besoin que de cela qui est "sponte tulere", la terre lui donne tout.
2. l'impact de la philosophie épicurienne
a/- identification entre le paysan et le philosophe car il "cognoscere causas", ie il est présenté comme un sage.
- "ille" marque deux éléments en se rapportant aux paysans : Tout d'abord la marque de l'éloignement, ie ici de celui de la ville. Ensuite la marque méliorative (à accompagner avec la reprise sonore en "F" entre felix et fortunatos). On comprend bien que le paysan est philosophe (valeur laudative) lorsqu'il n'est pas à Rome (à valeur d'éloignement)
b/Le paysan est donc délivré de toute superstition
- se place dans une position épicurienne. Comme pour Epicure, Virgile pense que l'on est philosophe si on n'est pas sujet à la crainte. V2 et 3, "subjecit" (encore verbe d'action se rapportant au paysan)
En rejetant "strepitum Acheruntis", le paysans n'a plus peur de la mort donc plus peur des dieux et en cela il est délivré de la superstition empêchant d'accéder au bonheur selon Epicure-Virgile.
=> Le paysan est idéalisé en un archétype de philosophe ne restant pas oisif et gardant l'amour de l'action, par l'entretien de sa terre.
3. Mais qui est néanmoins pieux envers les dieux
-énumération des dieux agrestes
- en accord avec le mores majorum
II La satire de la vie urbaine.
1. L'énumération des malheurs de la vie urbaine.
- v6 à 10
- assonances stridentes en "i" v. 16
a/ la vie politique
-"populi fasces"=la magistrature (fasces symbole du cursus honorum et emblème des licteurs qui entourent le consul)
- dépréciation de la vie politique "reges"=> royauté très mal vu après les excès de Tarquin le Superbe, donc critique de la confiscation des pouvoirs.
b/ La Res publica de partout assiégée.
- à l'intérieur elle est minée par les luttes fraternelles emploi d'un registre franchement pathétique, notamment "gaudent perfusi sanguine fratrum"- syntaxe grecque-=> dénonciation des guerres civiles, pendant la troisième desquelles Marc-Antoine avait épousé la soeur d'Octave.
- à l'extérieur, menacée par les Daces (nord est de l'Italie) et les barbares.
=> Critique des ambitions de puissances de certains dans les villes qui sèment la "discordia" et poussent à l'expansion guerrière "peritura regna"= les royaumes qui vont être conquis.
c/ Les inégalités sociales dans les villes
- la richesse y côtoie la pauvreté, souligne la facilité avec laquelle on passe de l'une à l'autre/
- opposition inopem/habenti avec inopem en mot-pied qui est donc mis en valeur.
- féroce critique en sus des accapareurs v.15 et 16. Il y a des complots "petit excidiis urtem", contre Rome et les citoyens. Allusion aux particuliers qui ont fait de l'argent sur les proscriptions, dont Virgile fut victime, véritables profiteurs de guerre.
=> A tous ces maux, un seul y est insensible : le paysan.
2. Une critique féroce de la société
a/ -La scansion de rapides portraits. Ceux-ci sont rythmés par la présence de nombreux démonstratifs "hic" et "allii" sous entendu au v .21.
- la rapidité de ces portraits souligne la frénésie dans laquelle les citadins vivent.
- v6 l'allitération en "p" souligne la brutalité de cette vie.
=> Les citadins sont agités et mauvais. Le poète, incarné par le regard que le sage pose ironiquement sur cette activité, évoque, précédé d'un adjectif péjoratif "insanum", le forum et les "populi tabularia" . Cette évocation montre bien tout le mépris que celui-ci à pour l'activité, étant su, que le forum et les archives sont au coeur de toute la vie politique romaine.
b/ Cette dépréciation est continuée par l'emploi successif de deux figures de style.
- le poète critique en effet, l'occupation perpétuelle des "citadins" pour la guerre, avec l'emploi de la métaphore de la trirème, sur les "fraeta caeca" et de la métonimie du fer, "ferrum", pour l'épée. Celles-ci symbolisent les deux visages de la puissance romaine d'expansion : à la fois maritime et terrestre.
=> nécessairement mauvais, mis en évidence par "caeca", ie ils ne voient pas où ils vont.
c/Stigmatise le goût du luxe là encore.
- accumulation de richesses "gemma" et "ostro sarrano"/ futilité de ces biens, mais qui apparaissent tellement importants que "hic" en vient à détruire sa "urbem" et "penates"
- amasser des richesses V 17 ("condit" et "incubat")
d/ L'étonnement et la fascination devant l'étalage de tant de vices et l'exil
- "stupet attonicus", "corripuit"=> Fascination pour ceux qui sont au dessus
=> La ville est ce qui étonne, même dans les lieux les plus banals de la vie publique (les rostres sont en effet sur la place du forum)
- opposition entre d'une part l'allitération en "d" montrant la douceur du foyer, et d'autre part le départ de famille, qui partent car elles ne se satisfont pas de ce qu'elles ont.
- l'ironie de "geminatus enim"qui a une valeur d'antiphrase.
CCL=> Par opposition au citadin donc, le paysan ne recherche pas les honneurs et se désintéresse des richesses. En effet il n'a qu'à se baisser pour vivre en ramassant les fruits de la Nature.
Alors que le citadin suit la ferrea jura (la loi du fer), le paysan lui, suit la natura jura.
=> Refs importantes à une époque de guerre et glorifie le paysan, détenteur des temps anciens, et par csqt, détenteur d'un savoir originel oublié par les citadins
=> Reprise des poètes élégiaques (Tibulle, Catulle, Properce, Ovide)
avec les trois éléments de l'âge d'or ; inertia -pas d'acts politiques-, infamia -indifférence à la gloire militaire-, paupertas -frugalité-.
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