Orphée ayant pénétré dans les gorges même du Ténare, les profondes portes de Pluton, et le bois sombre, sacré d'une terrible noirceur, alla vers les Mânes, leur roi redoutable et les coeurs que ne savent pas s'attendrir les prières des hommes. Alors émus par ses chants, du fond de l'Erèbe, les ombres minces et les fantômes des êtres qui ne voyait plus la lumière s'avancèrent, aussi nombreux que les milliers d'oiseaux se cachant dans les feuilles quand le soir ou la pluie de l'orage les chasse des montagnes: des mères, des maris, des corps de héros magnanimes s'étant acquittés de la vie, des enfants, des jeunes filles n'ayant point connu les noces, des jeunes gens mis sur des bûchers funèbres sous les yeux de leurs parents autour de qui s'étend le limon noir et le hideux roseau du Cocyte et le marais detesté avec son onde paresseuse qui les enserre et le Styx qui neuf fois les enferme de ses plis. Bien plus les demeures elles-mêmes de la Mort furent saisies de stupeur, mais aussi les profondeurs du Tartare, les Euménides aux cheveux entrelacés de serpents azur, Cerbère, bouche bée, retient ses trois gueules et la rotation de la roue d'Ixion s'arrêta avec le vent.
Proposition de commentaire (merci à victoire !)
Intro => Cf supra
=> Le texte s'organise par la description pathétique des enfers et la longue accumulation des ombres, reflets des temps passés. Cependant, ces Enfers dont l'inhumanité des habitants est soulignée dès le début, sont vaincus par la vie incarnée par le poète Orphée mais aussi par son art lui-même
*I -Une description pathétique des enfers *
_ 1- Atmosphère lugubre _
caractérisée par noirceur, opacité, ombre oppressantes : cf v2 : "caligantem nigra", v24 "limus niger", v18 "umbrae tenues" , "simulacraque luce carentum" ----> *champ lexical* de l'ombre
lieux vastes, imposants : "alta ostia ditis" , "fauces" "de sedibus imis"---> idée de gouffre, profondeurs incommensurables
cf *période* (v 17 à 26 ) : accentue idée que enfers = espace quasi infini, où l'on se perd, habité par une multitude de spectres menaçants.
cf *rythme* lent des 4 premiers vers : atmosphère pesante, tension, imminence du danger pour orphée ?
+ *allitération* en [m] et [n] des vers 14 / 15 : mme chose + évoque le silence qui règne ds ces lieux, un silence redoutable que seuls viennent troubler les pas d'Orphée, qui semblent résonner dangereusement au sein de ces ténèbres et de ce silence menaçants.
---->* hypotypose* ! On imagine parfaitement le malheureux Orphée s'aventurant dans les Enfers.
*champ lexical de la peur* : "tremendum", "caligantem nigra formidine lucum"
_ 2- Les habitants des Enfers _
cf longue *période* v17 à 26
Nombre impressionnant : cf *comparaison* convoquée pour exprimer idée de multitude ("milia", introduites par "quam" .
"condunt " (se cachent) accentue aspect menaçant des habitants des enfers/ allusion à "imber" (pluie d'orage) et à "vesper" (étoile du soir) : campe atmosphère lourde (orage), incertaine (soir). Donc cette comparaison est loin d'êre anodine .
description des habitants suscite pitié, émotion du lecteur face à *énumération*/*accumulation* des tels malheurs.---> *registre pathétique : *ces personnages sont en réalité des victimes du destin (fatum) , ils ont subi ces réels malheurs : cf mode passi du part passé "impositi" : montre que les "juvenes" subissent l'action / scène émouvante, pathos : "ante ora parentum" : précisions des la description, là encore on a une *hypotypose*. (on imagine scène poignante, adieux déchirants, pleurs etc etc )
"matres" : là encore pathos, car virgile n'a pas utilisé le mot "mulier" (femme) mais bien "matres--> enfants : on imagine désespoir des enfants livrés à eux mêmes .
"defunctaque ...heroum " : *ironie tragique* : une fois morts, ces héros, aussi héroïques soient-ils, sont à égalité devant les autres morts et leurs exploits ne leur apport aucune reconnaissance particulière.
détachement complet par rapport au monde vivant, cf vers 16 "nesciaque humanis precibus mansuescere corda" : incapacité à s'attendrir, ces êtres sont hermétiques à la vie, aux émotions/sentiments caractéristiques de cette dernière.
ces habitants semblent être en fait des prisonniers . Cf "regum" : existence d'une hiérarchie eu sein des Enfers, dont les morts sont les victimes.
_3-Une prison étouffante qui pourrait bien se révéler être un piège pour Orphée_
cf "circum", "noviens coercet" et "alligat" :* redondance /pléonasme -----> paradoxe ? *les habitants eux mêmes des enfers sont enfermés, prisonniers .
cf sonorités dures des vers 25/26 : (c, d, g, t , ) : accentue idée d'emprisonnement .
dc les ténèbres semblent se refermer sur orphée au fur et à mesure de sa progression : prisonnier ? piège ?
on a l'impression qu'il est acculé, piégé, environné de toutes part par des ombres menacantes qui se rapprochent de plus en plus : "ibant" : l'imparfait suggère la durée---> ombres affluent lentement mais surement et inexorablement vers la malheureux Orphée.
omniprésence de l'eau : "palus", "cocyti", "styx", 'harundo", "limus" : barrage naturel, comme les barreaux d'une prison. Mais apparence trompeusedes enfers : eau suggère souvent idée de liberté mais ici barrage.
-----> entreprise d'Orphée semble vouée à l'échec : folie
transition : aucune idée.. peut-être peut-on dire que la rigidité, l'atmosphère lugubre, stagnante du monde des ombres se trouvent soudain bouleversées par l'arrivée d'orphée : *opposition*, contraste entre la vie, représentée, symbolisée ici par orphée, et la mort qui l'entoure. / de plus Orphée a su éviter les pièges de ce monde aux apparences trompeuses et troublantes, etc
I*I-Le souffle de vie apporté par orphée *
_ 1-Un véritable exploit_
La présence de l'adverbe 'etiam" souligne le caractère inédit de l'entreprise d'Orphée : souligne qu'il est le premier être vivant à pénétrer dans ce monde.
Registre un peu *épique *des 4 premiers vers *: *exploit, orphée = héros
Rien ne le fait reculer ni même hésiter : courage extraordinaire
"adiit" :*passé simple* (brièveté, rapidité) met en lumière sa détermination, car il n'hésite pas à aller voir le roi des Manes en personne, celui qu'il devrait pourtant craindre par dessus tout en tant qu'être vivant ayant bravé des interdits.
_ 2-Le pouvoir du poète/musicien _
Rappeler qui est Orphée + pouvoirs de son chant.
*Paradoxe, opposition *suggérés par conj de coordination "at" (=mais) : alors que rien ni personne ne peut émouvoir ou attendrir les morts (cf tremendum+v16), Orphée, de manière tout autant spectaculaire qu'incroyable, inédite et exceptionnelle .... par son seul chant, réussit à briser la glace qui enveloppait les coeurs de ces morts et à toucher leurs coeurs endurcis par les malheurs, la souffrance, la solitude et l'ombre environnante.
cf "cantu" = complément circontanciel de moyen à l'ablatif : montre que c'est bien le chant et uniquement le chant d'orphée qui attendrit les Mânes et les gagne à sa cause.
C'est donc ici à la vicoire du poète que nous assistons, mais aussi finalement à la victoire de l'amour car c'est l'amour passionné qui lie orphée à Eurydice qui lui inspire son chant et confère un tel pouvoir à ce dernier : eurydice = muse d'orphée.
Rappeler ici l'histoire d'Orphée et d'Eurydice, et la mort d'Eurydice.
_3-Un bouleversement de l'ordre du monde des ombres _
Conséquences de l'entreprise d'orphée relatées dans les 4 derniers vers : marquées par un véritable bouleversement du monde des morts.
Cf *énumération *des bouleversements : allusions à de célèbres mythes : la roue d'Ixion, Cerbère; les Euménides.
*Hyperboles *: acentuent caractère extraordinaire de l'entreprise d'Orphée.
"quin" : ajout, connotation = amplification (bien plus..)
*chant lexical de l'étonnement/stupeur* : "stupuere", "ora inhians" (bouche bée)
Stupeur générale
*personnification* : v 27/28 : "domus atque intima Leti"
"ipsae" souligne, encore une fois ! le caractère (ou la dimension, pour changer) extraordinaire de l'entreprise fructueuse (et non moins féconde...) d'Orphée , d'autant plus que ce mot est placé en début de vers : *effet d'insistance, mise en relief
*"constitit" + ""tenuit" : ces verbes au PS indiquent un changement brutal et inattendu, une rupture du cours habituel des choses.
CCL : => parvient donc à faire un tableau des enfers plus mitigé qu'une première lecture semble le montrer. En effet, on perçoit déjà la sourde menace qui pèse sur le couple (menace des ombres...Les amants ne vont-ils pas partager les sort de ces ombres ?)
=> pérennité de l'art poétique. C'est bien par son art que le poète parvient à faire reculer la mort elle-même.
=> Universalité et surtout intemporalité de la poésie
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